BERNAUDEAU Jacques – « Composition 114/18 »

Sa biographie

Études d’arts plastiques à Bordeaux.
Gardien-guide au CAPC
En 2013, il s’installe en Dordogne où il bénéficie de l’espace nécessaire pour ses grands formats.

Son univers

Depuis plusieurs années, l’artiste observe les fonds de cagettes en plastique,
symboles de « notre accumulation de choses utilitaires inutiles ». Leur organisation solide et structurée, à la façon des nids d’abeilles ou des toiles d’araignées, reflète pour lui un rapport entre nature et structure. Il s’extrait de la théorie et de la logique pour aller vers des jeux optiques, en lien avec la musique ou les technologies actuelles. Il utilise ces moyens plastiques pour créer une vibration entre intérieur et extérieur, comme des fenêtres qui s’ouvrent, comme des partitions où les notes sont autant de points et de lignes, dans une rigueur qu’il affectionne. « Avec des pochoirs, je masque la moitié de ce que je fais, ce qui laisse une place au hasard : ce jeu révèle des images par des moyens techniques. » Ces hasards provoqués surgissent lorsqu’on enlève le pochoir, réalisé en négatif.

C’est son expérience de la photographie qui l’a placé sur ce chemin, la pratique du noir et blanc reposant aussi sur une révélation, un équilibre, une maîtrise. La formation de Jacques Bernaudeau l’a conduit jusqu’à la maîtrise en arts plastiques. Il s’est tourné vers l’artisanat. Il réalise des meubles et mène en parallèle une création artistique. Dans les deux cas, il lui est nécessaire de décider et d’organiser avant de construire. Sa logique part d’une idée, un peu comme une performance, au sens premier, qui induit un espace physique et une action. Marqué par l’art minimal américain, très structuré, il aime ce rapport entre art et artisanat. « Je me sens plus proche d’un travailleur que d’un artiste qui laisse agir ses inspirations.
J’ai besoin d’un schéma, d’une structure. » Il aime l’idée de faille, de couper la matière pour la remplir de nouveau.

Après le figuratif, il s’exprime dans le non-figuratif avec une recherche du flou, d’effet visuel esthétisant. Sa peinture à la bombe aérosol est sans rapport avec un usage mural, elle lui permet des qualités plastiques de flou. Le format importe aussi puisqu’il indique la force, les directions, les tensions. Plus il est grand, plus l’angoisse est forte. « Ma peinture est toujours comprise entre une angoisse et un désir d’atteindre quelque chose d’accessible. » Tout est affaire d’équilibre. « Ce que je fais est définitif, il n’y a pas de repentir possible. Cela demande un apprentissage. » Il travaille de façon hypnotique et concentrée. Conscient que sa peinture est formellement difficile d’accès, il ne tient pourtant pas à l’expliquer. « Je ne fais pas de représentation ; je présente. » C’est la première fois qu’une de ses oeuvres entre dans une collection publique et il lui importe qu’elle rencontre des regards très différents.
Résidant à deux pas de Lascaux, il ne peut s’empêcher, en maniant ses pochoirs, de penser aux mains négatives sur les parois. Il s’intéresse aux archéologues qui tentent d’expliquer la peinture au-delà du pur aspect esthétique. Et il se dit que son installation à Montignac n’est sûrement pas un hasard. « À l’image de nos ancêtres, ce qu’on fait pour soi, on le fait aussi pour les autres. »

A propos de l’oeuvre

Composition 114/18 – Pochoir aérosol sur toile – 92 x 65 cm – 2018 Œuvre acquise en 2018

La peinture sur toile qu’il réalise le plus souvent sur grand format repose sur un processus, une composition, une construction de formes carrées démultipliables à l’infini et qui se correspondent les unes aux autres lorsqu’on les retourne. Il découpe ensuite au cutter ces carrés réalisés sur papier selon des formules mathématiques, pour qu’ils se correspondent.
« Je peux ensuite les accumuler sur le support de la toile blanche. J’utilise la couleur primaire pour créer la forme, née de ces découpes, chacune ayant la capacité d’attirer ou repousser le regard, créant des sensations d’intérieur et d’extérieur. J’ouvre ainsi des fenêtres, sur le papier, que je repose sur le support. À la bombe, j’obtiens des dégradés de couleurs, jaune, bleu, rouge essentiellement. »

Il épargne le blanc de la toile et, la recouvrant au pochoir, ne garde que la trace de la couleur, un effet visuel de moirures et dégradés sur lesquels il indique des points, dans une volonté de construction.
L’oeuvre parle de multiplicité, d’organisation, de correspondances liées à des carrés. Elle est fondée sur les théories du Bauhaus, de Kandinsky, du point blanc en tant qu’immobilité, point ultime à la base de tout dans l’univers. « J’organise ces carrés par rapport à des points, qui deviennent des lignes faites de leur accumulation. Le titre est emprunté à Kandinsky, Point et ligne sur plan, et à cette théorie de 1926. J’obtiens les trois éléments qui sont la base de la peinture, de l’organisation graphique. »