CRYRS – « La bénédiction de Jacob »

La biographie des artistes

CRYRS

Chloé ROYAC, née en 1983 à Blois (41).
Master de Philosophie mention Esthétique, Paris (75). Master d’Ingénierie Culturelle et Médiation, Paris (75).

Renaud SUBRA, né en 1975 à Strasbourg (67).
Diplôme de fin d’études plastiques, École des Beaux Arts de Versailles (78). Licence d’Arts Plastiques option Nouveaux Médias, Paris (75). Vivent et travaillent à Dussac (24).

2009 L’Art est Ouvert (Exposition collective), Agence Culturelle Départementale Dordogne Périgord et l’association La Nouvelle Galerie, Monbazillac (24) ; Psy x 9 = 1 chez Agnès B, locaux Agnès B, rue Dieu, Paris (75). 2008 Galerie Kim Rebholz, Paris (75).

2007 Crazy London pour Technikarts, Paris, Londres. Musik & Artworks : Françoise, Birdy Hunt, Paris Suit Yourself, The Garçon, RockAndRoll (pochette censurée aux États-Unis 2007).

Leur univers de l’artiste

Tandis que les «investigations picturales» de Chloé Royac se portaient sur la représentation de Vestales, Renaud Subra, diplômé des Beaux-Arts, assistait les grands noms de la photographie tels que Jean-Baptiste Mondino, Bettina Rheims ou Ellen von Unwerth. De leur rencontre en 2005 est né CRYRS, sigle-amalgame de leurs noms respectifs duquel ils signent leurs créations.

Tous deux très attachés aux codes de représentation, notamment religieuse, qui ré-interrogent sans cesse l’Esthétique, ils cherchent à tisser un lien comique, subversif et dérangeant à la jonction de la photographie et de la peinture. Hommes et femmes dénudés, animaux empaillés et feuilles mortes : chez CRYRS, le corps devient objet et les êtres des figurines dociles, disposées selon les décors mentaux de Chloé Royac. Son imaginaire sophistiqué prend forme sous l’objectif de Renaud Subra qui déroule des scènes impudiques et compulsives. La jeune femme peuple de silhouettes fantasmées des lieux improbables qu’il photographie comme un songe, un passage de l’autre côté du miroir, vers leur univers poétique en résonance avec les murs et l’atmosphère.

Dans des ambiances profondément baroques, ils se plaisent à mêler les corps et les jouets, le végétal et le domestique. Aux antipodes d’une capture objective de la réalité, l’art du photo-peintre s’apparente à une vision, comme une fulgurance sensible sur le monde d’aujourd’hui. « Nous sommes de fait condamnés à une triple fraude : pillage des mythes collectifs, usurpation de l’identité de nos sujets comme autant de projections de nous-mêmes et spoliation de l’imaginaire du spectateur ».

Dans La cène (2008), un requin fait office de banquet, les corps se révèlent dans toute leur liberté, sans posture ni maintien social. Entre classicisme rigoureux et sauvagerie rock’n’roll, ces artistes bravent le sacré et la bienséance, dans une quête de l’absurde et de la cruauté. Le Jugement de Salomon (2008) explore quant à lui les profondeurs de l’intime, façonné dans les flous, les ombres fantomatiques, les contours effacés. Contrairement au récit biblique, la tête est tranchée, la garde est conjointe. À l’abri des regards et de la lumière du jour, un décor à la bougie accueille des silhouettes feutrées, tour à tour érotiques, loufoques ou dépouillées.

CRYRS donne à voir des images décalées dont le résultat est troublant, souvent à la limite entre le risible et l’effroi. Malaise, amusement ? Il faut prendre le temps du regard, saisir les accumulations jusqu’à l’étouffement. Ces « tableaux photographiés » aux allures orgiaques interrogent en permanence notre perception du beau et du laid. Dans un souci de perfection, chaque prise est longuement retravaillée par ordinateur puis imprimée numériquement selon la technique de la Digigraphie utilisant des encres à base de pigments et de minéraux naturels enrobés de résine.

Pour leur dernière exposition, dans le cadre du programme L’Art est Ouvert, CRYRS a présenté une chapelle autobiographique, où il est question de vie par procuration et de mythologies personnelles. La photographie ne serait-elle pas par excellence, un acte d’amour furtif, un histoire, un roman à la première personne ?

A propos de l’oeuvre

La bénédiction de Jacob – 2008
Digigraphie
129 cm x 97 cm
Oeuvre acquise par le Conseil départemental de la Dordogne en 2009

Depuis 2005, CRYRS compose une suite de scènes de genre mêlant l’absurde, l’humour et le théâtral. Cette scène de chasse, titrée La bénédiction de Jacob, donne les indices d’une histoire en cours tout en conservant le mystère d’un jeu de rôle à contre-courant : le photographe et la scénographe aiment semer le trouble.

Privée de toute logique ordinaire, la mise en scène pose l’argument plastique comme un défi à toute tentative de conférer du sens aux images, tel un insondable rébus photographique. Renard rouge empaillé, fourrures et noeud papillon, sont autant de clins d’oeil entendus à prendre comme une invitation au pays des fantasmes.

Pourtant, le spectateur pourra toujours interpréter le personnage à lunettes comme Isaac, malvoyant, en train de bénir son fils Jacob qui, en se parant d’une peau de bête, a usurpé l’identité de son frère aîné Esaü, très poilu. L’ambiguïté du sujet impose donc le flou, pour aplatir les perspectives, lier le fond visuel aux corps et créer un relief numérique grâce aux aléas de la pixellisation. La contre-plongée casse les reliefs anecdotiques de la campagne, perd l’humain dans l’immensité d’un ciel nuageux. Les personnages deviennent insaisissables comme le temps, comme la distance. Imprécise et pourtant forte, la vision traverse l’image sans jamais laisser penser qu’elle pourrait s’y arrêter.